jeudi 17 août 2017

Tous visiteurs

(Mac Val - exposition "Tous des sangs mêlés" et présentation de la collection)

Il y a longtemps que je projette de vous parler du Mac Val, un musée qui me tient beaucoup à cœur, pour de multiples raisons : c'est le musée qui m'a appris à aimer l'art contemporain et ses musées, avec leurs larges espaces, ouverts vers l'extérieur ; c'est aussi un musée "de proximité", installé dans une ville de banlieue proche, de profil "populaire" (Vitry-sur-Seine), avec l'objectif de faire venir l'art à la rencontre des visiteurs ; c'est enfin un musée familial, par bien des aspects. Un musée où nous avons des souvenirs ensemble, et avec d'autres, des souvenirs qui ne se limitent pas aux œuvres : notre aînée y a fait ses premiers pas, et je me souviens des goûters pris dans le jardin de sculptures, agréable atout du musée ; elle y a aussi fait un plongeon dans la mare aux canards qui restera dans les annales familiales (une fois séchée et changée, elle avait tout même fait un tour de musée, et oublié sa frayeur face aux œuvres) ; aujourd'hui, elle salue le Chat géant du jardin comme une vieille connaissance, et notre cadette a fait coucou aux "canards" en balade sous la pluie lors de notre dernière visite. Nous y avons emmené un copain (et un tour de manège unique sur l'œuvre installée alors, un manège de fauteuils vintage), les grands-parents... Nous nous y sentons chez nous. Il faut dire que l'équipe du musée accueille chaleureusement les visiteurs, même très jeunes - nos filles reçoivent toujours un sourire et un petit mot gentil, et jamais aucune recommandation méfiante les incitant à bien se tenir. Pour certaines expositions, un petit livret est distribué pour les enfants (parfois un peu difficile pour les plus jeunes, il peut toutefois servir de support à la discussion avec les parents). Les œuvres, elles aussi, interpellent les plus jeunes par leur caractère ludique : je me souviendrai toujours de l'air amusé et du bras tendu de mon aînée, alors qu'elle n'avait pas un an, devant des mannequins accrochés la tête en bas, les cheveux pendants. C'était sans doute sa première réaction face à une œuvre d'art, et je dois avouer qu'elle a ému mon cœur de mère prompte à être fière de sa progéniture.

Vous comprendrez aisément pourquoi nous revenons souvent au Mac Val - si je ne vous ai pas parlé plus tôt, c'est par manque de temps (un musée poussant l'autre), et non d'intérêt pour ce lieu que l'on a chaque fois plaisir à redécouvrir. Car, outre les expositions temporaires qui sont accueillies dans un espace dédié, grande salle modulable qui change de visage à chaque exposition, l'espace d'exposition permanente est lui aussi soumis au changement, puisque les œuvres du fond y "tournent" régulièrement. Ainsi, lors de notre dernière visite, presque toutes les œuvres que nous avons découvertes nous étaient inconnues - et le Varini qui nous sert de repère dans la première salle (nous retrouvons tout de suite le point depuis lequel les stickers rouges forment des cercles) avait été temporairement retiré, Chen Zhen jugeant l'œuvre peu compatible avec la sienne, une table ronde géante et des chaises non assorties, installées dans cette même salle à l'occasion de l'exposition temporaire. Une œuvre qui constitue une bonne introduction à cette exposition intitulée "Tous des sangs mêlés", puisqu'elle mêle divers thèmes abordés par cette belle et riche exposition : le métissage, l'Histoire et la légende, la cohabitation et la différence et peut-être aussi l'errance, le voyage, la quête d'une terre promise.

Dans la grande salle attenante, organisée cette fois comme un espace lumineux et peu cloisonné (cette salle, nous l'avons vue tantôt dans l'obscurité, tantôt cloisonnée, envahie d'écrans ou d'installations lumineuses, et il nous semble que ce n'est jamais la même), les œuvres très variées nous parlent en effet de la question de l'identité nationale, de ses ambiguïtés, de ses mensonges (ceux attachés à la bataille de Fort Alamo, qui occultent la place des afro-américains et des américains d'origine mexicaine), de ses clichés : ainsi de Nina Esber, qui s'est photographiée 42 fois avec la même robe, seules sa coiffure et sa pose se modifiant, chaque cliché (mot ô combien approprié) étant assorti d'une question portant sur la nationalité de l'artiste ainsi "métamorphosée" ("Marocaine?", "Mexicaine?" etc.). Si la plupart des documentaires vidéos sont dans une langue étrangère (mais sous-titrés), et de ce fait peu accessibles aux enfants (ce qui n'est pas toujours à regretter, certains propos étant parfois assez durs), plusieurs œuvres peuvent interpeler les enfants et leur être aisément expliquées : la bascule occupée par deux hommes aux costumes multiculturels et dont les têtes sont des globes les amusera (attention à la tentation de monter dessus !) ; la Marianne en pièces détachées, dans sa caisse estampillée "fragile", a quelque-chose du puzzle, et il est intrigant de découvrir les lettres sous un apparent dessin de fil de fer barbelé. On pourra aussi tout simplement être ému par la beauté de certaines photographies, ou par cet arbre morcelé en plusieurs cadres. Même si certaines expositions temporaires nous auront laissé des souvenirs plus durables, "Tous des sangs mêlés" nous a plu à tous les quatre, et s'avère riche en découvertes.

Après l'exposition temporaire, commence le parcours dans les collections, actuellement intitulé "Sans réserve" (titre énigmatique et, je trouve, peu éclairé par les documents de visite, qui expliquent l'axe choisi pour cet accrochage : la propension des œuvres à raconter). Là aussi, la diversité des œuvres et des supports, mais aussi leur ludisme, séduisent d'autant plus qu'ils agissent dans un espace que l'on parcourt librement, ouvert vers l'extérieur du jardin, et 100% praticable en poussette (une rampe, très appréciée par les parents comme par les enfants, permet de monter au 1er étage, l'ascenseur étant idéal pour redescendre). Parmi nos coups de cœur ou de curiosité : Si les heures m'étaient comptées, film d'Angelika Markul créé à partir d'archives d'une expédition scientifique dans la grotte de cristaux de la mine de Naica (Mexique), et qui propulse le visiteur dans un monde fantasmagorique, inquiétant et fascinant, qui semble fait de glace et dont on se demande s'il est bien réel ; les scientifiques paraissent des cosmonautes échoués dans l'arctique ou enfermés dans une grotte lunaire ; Composition for Two Pianos and an Empty Concert Hall d'Oliver Beer (le chant de deux enfants fait vibrer les cordes de pianos installés dans une salle de concert quasi vide - car elles font vibrer aussi les cordes invisibles de l'unique spectateur, filmé en gros plan) ; les petites portes entrebâillées et lumineuses, pile à hauteur d'enfant, de Polder de Tatiana Trouvé ; ou encore le bateau fantastique intitulé Twice Upon a Time. Ce dernier appartient à un ensemble qui occupe le deuxième étage, où cohabitent plusieurs installations lumineuses : cet espace illustre à merveille le talent des équipes du Mac Val pour créer une cohérence avec les œuvres qu'ils exposent et donner au visiteur l'impression qu'il suit un fil - sentiment qui m'a toujours frappée, quel que soit l'accrochage.

Ce choix d'un fil directeur et cette capacité à composer des ensemble d'œuvres qui semblent se répondent contribuent à faire de la visite du Mac Val une promenade plus qu'une visite de musée : promenade libre, dans un espace ouvert, et qui se prolonge tout naturellement dans le jardin, où l'on peut s'arrêter pour lire, goûter, bronzer au milieu des sculptures et des bosquets (et écouter une œuvre sonore diffusée au pied d'un arbre à l'occasion de l'exposition "Tous des sangs mêlés"). Si nous n'avons pas eu cette chance lors de notre dernière visite, marquée par des trombes d'eau, nous y avons tout de même fait une rapide virée pour découvrir une nouvelle installation, Panorama, projection vidéo de Christian Boltanski dans une sorte de maison de brique rouge imaginée par deux architectes chiliens. S'asseoir là, écouter la pluie tomber tout en entendant tinter dans le vent les clochettes japonaises que Boltanski a accrochées dans le désert chilien, c'est un peu comme se trouver hors du temps quelques minutes ; même nos filles se sont laissées prendre par la poésie du lieu - avant de repartir en courant sous la pluie battante ! Une promenade au sec réussie !


Mac Val : ouvert tous les jours sauf le lundi, de 10h à 18h en semaine, de 12h à 19h les week-end et jours fériés (fermetures les 1er janvier, 1er mai, 15 août, 25 décembre).

Tarifs : 5 euros ; 2,5 euros pour les enseignants, les seniors et les groupes de 10 personnes et plus ; gratuit pour les moins de 26 ans et les étudiants, notamment. Entrée gratuite le premier dimanche de chaque mois.

Un audioguide est fourni gratuitement. Une visite gratuite est proposée tous les mercredis à 15h, tous les week-end à 16h. Nous n'avons testé ni l'un ni l'autre. D'autres visites, ateliers et événements sont organisés régulièrement autour des expositions.

"Tous des sangs mêlés" : exposition collective, du 22 avril au 3 septembre 2017.
"Sans réserve": 8e présentation des œuvres de la collection, à partir de juin 2017. Chaque "parcours" est accroché environ 18 mois.

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