jeudi 24 mars 2016

Des dragons qui crachent du son

(Musée de la musique – Cité de la musique, Philharmonie de Paris)

La Cité de la musique (voisine et cousine de la Cité des Sciences) offre une grande variété d’activités pour les familles, de l’éveil musical pour les tout-petits (apparemment pris d’assaut) aux ateliers de pratique d’instruments du monde entier. Comme souvent, les « petits » (avant 7-8 ans) ont moins de choix que leurs aînés, mais l’agenda de la Cité est extrêmement riche, et ils peuvent notamment participer à plusieurs activités associant visite du Musée et pratique ludique de la musique.

Pendant les dernières vacances d’hiver, mon aînée et moi avons testé pour vous la visite-atelier intitulée « Des dragons au Musée », proposée aux enfants de 4 à 6 ans (des enfants plus âgés, souvent aînés d’une fratrie, y assistaient cependant). Elle s’articule autour de deux activités, séparées par un petit intermède. Ces trois moments permettent d’aborder la musique sous trois angles différents, et invitent les enfants à adopter, vis-à-vis des instruments, trois postures successives.

La conférencière nous a d’abord guidés à travers le Musée de la musique, en ménageant deux longues pauses devant un instrument : une imposante cloche vietnamienne (premier instrument que l’on découvre en entrant dans le musée), ornée de deux dragons, puis un cornet à bouquin dont le pavillon prend la forme d’une gueule de dragon. Ces deux stations sont l’occasion d’aborder quelques éléments du vocabulaire musical (grave et aigu, embouchure), mais aussi d’évoquer la pratique des instruments (différentes manières de faire sonner une cloche, technique à maîtriser pour produire du son avec un instrument à vent) et leurs fonctions (notamment l’usage rituel de la cloche vietnamienne). Nous avons également pu écouter le son produit par ces deux instruments grâce à des enregistrements. Mais ce qui était au fond le vrai sujet de cette visite n’était pas la musique, mais les dragons : dragons orientaux, bénéfiques et aquatiques, dragons occidentaux, cracheurs de feu et destructeurs de cités. Chacun des deux instruments fut en effet le point de départ d’une histoire de dragon : un conte chinois ayant pour héros le bienveillant Pulao, et la fameuse aventure de Saint Georges terrassant le dragon qui sévissait à Silène. Chaque histoire a duré un bon quart d’heure, prenant largement le pas sur la dimension musicale de la visite, et du musée lui-même. Agréablement racontées, ces histoires étaient cependant écoutées avec attention par la plupart des enfants, et constituaient un biais original pour les amener à observer les deux instruments.

La visite, ainsi conçue autour de ces deux instruments, se concentre uniquement dans la première salle-étage du musée, consacrée aux instruments du XVIIe siècle (à part une très petite première section – où se trouve la cloche vietnamienne, d’ailleurs – appelée « origines » et destinée à montrer que la musique est présente dans toutes les cultures). Après nos deux longues stations, nous avons simplement traversé, sans plus nous arrêter, cette salle puis la seconde qui, au second étage, présente des instruments du XVIIIe siècle, pour nous rendre dans le coin concert situé au cœur du musée. Et nous n’aurons pas vu les autres salles, consacrées aux XIXe et XXe siècles, ainsi qu’aux musiques du monde. Il faut dire que le musée est grand et foisonnant, et qu’une visite organisée pour des enfants doit forcément être sélective. Peut-être celle-ci l’était-elle à l’excès, à cause de son sujet, forcément restreint dans un tel musée. Mais pour des petits, ce n’était pas un mauvais choix : le fil rouge de la visite, les dragons, était connu de tous et familier ; sans empêcher la découverte d’éléments nouveaux, parfois techniques, il donnait une cohérence au parcours.

Une cohérence qui n’était rompue que par un court intermède : au second étage, ainsi que dans la salle consacrée aux musiques du monde, se trouvent deux petites scènes où, chaque jour, un musicien vient faire découvrir son instrument et offrir un petit concert commenté aux visiteurs du musée. L’animation « Musiciens au Musée » présente ainsi un concert chaque jour différent, dont l’intérêt varie selon vos goûts et selon le talent qu’a le musicien pour parler de son instrument. Cet après-midi-là, il s’agissait de guitare manouche.

Le lien avec les dragons fut rompu pendant les quelques minutes que durèrent cet intermède musical. Mais il fut renoué ensuite pour la seconde partie de notre activité, l’atelier. Dans une salle dédiée à la pratique musicale en groupe, les enfants, assis en demi-cercle, se sont essayés à la manipulation d’instruments très variés, parfois surprenants et amusants. Il s’agissait alors de produire des sons qui évoquent les quatre éléments, que les dragons symbolisent dans les différentes cultures : la terre, sur laquelle il s’appuient pour prendre de la force, l’eau dans laquelle ils vivent parfois, le feu qu’ils crachent et l’air qui siffle autour de leurs ailes. Chaque enfant se voyait attribué un instrument et, par groupes de quatre, ils imitaient le roulis des vagues ou le fracas des tremblements de terre. Une fois tous les instruments distribués, l’ensemble était quelque peu cacophonique – les enfants ne se contentant pas de jouer seulement quand leur élément était concerné.

Pour ma part, j’ai trouvé un peu frustrant que ma fille ne soit amenée à manipuler qu’un seul instrument (sur la fin, elle en a eu un deuxième), j’aurais trouvé sympa que les instruments circulent de main en main. Mais peut-être le capharnaüm se serait-il ajouté à la cacophonie, le tout devenant ingérable. En tout cas, le principe de l’atelier m’a semblé un peu limité : les enfants devaient jouer quand leur élément était « appelé », et comme ils ne jouaient que d’un instrument (à part les plus grands), j’avais le sentiment que nous tournions un peu en rond. Mais les apprentis musiciens étaient ravis – et après tout c’est là l’essentiel : « j’ai fait de la musique avec des copains », a résumé ma grande. Et avec un grand sourire !

Visite-atelier « Des dragons au Musée » - Tarif : 8 euros (enfant), 10 euros (adulte). Durée : 1h30.



Agenda Enfants et familles de la Cité de la musique : http://philharmoniedeparis.fr/fr/agenda?public[0]=233&public[1]=234&public[2]=235


Musée de la musique – Tarif : 7 euros ; gratuit pour les moins de 26 ans.
Poussette non acceptée. Le musée prête poussette et/ou porte-bébé.
Pas de « point goûter » à l’intérieur du musée, mais une sortie temporaire est possible ; on peut alors s’installer dans le café de la Philharmonie, ou sur les grandes banquettes du hall.

vendredi 18 mars 2016

Du plâtre et des jeux !

(Cité de l’Architecture et du Patrimoine)

Ce n’était pourtant pas notre première visite dans cette version modernisée de l’ancien Musée des Monuments français – nous l’avions visité lors de sa réouverture en 2007 (il avait été rebaptisé pour l’occasion du titre plus contemporain de Cité de l’Architecture et du Patrimoine), sans enfants, puis avec notre aînée quand elle avait 2 ans. Mais nous avons été surpris – et un peu pris de court – par la quantité d’activités offertes aux jeunes visiteurs.


La visite avait débuté sous de mauvais auspices : venant un samedi de fin de vacances sur la foi d’informations présentes sur le site du musée, qui annonçait une animation destinée aux enfants, nous avons appris que rien n’était organisé ce jour-là. « Si vous pouvez, revenez demain », nous répondit-on, comme si nous logions dans le 16e arrondissement ! Après avoir confirmé que le site n’est pas fiable (informations obsolètes dans l’onglet « Jeune public », et imprécises dans l’onglet « En famille »), on nous tend la brochure qui contient le descriptif et les dates des différents ateliers – brochure introuvable sur le site, mais que l’on peut demander à recevoir par courrier… Effectivement, il est plus rapide de se déplacer au musée !

Nous demandons alors s’il existe un livret-jeu pour les enfants ; là, deuxième sujet d’agacement : le musée propose cinq livrets-jeux différents, trois pour les 7-12 ans et deux à partir de 5 ans. Quelle abondance ! Sauf que ces livrets, il faut les acheter, entre 1,50 euros et 2,50 euros. Et personne ne nous signale le « Parcours-jeu » disponible gratuitement sur les présentoirs (à partir de 6 ans) – un simple feuillet plié en quatre, proposant huit questions qui attirent l’attention sur quelques œuvres de la Galerie des moulages et, davantage, de la Galerie d’architecture moderne et contemporaine.

Armés de ce squelette de livret, d’un cahier payant intitulé « Cache-Cache Moulages » et d’un stylo, nous entrons dans la Galerie des Moulages, bien décidés à exploiter ce matériel ludo-pédagogique pour faire admirer à notre fille ces reproductions de tympans, portails, chapiteaux, et autres morceaux de cathédrales et de monuments des quatre coins de la France. Mais ce parcours ambitieux a vite tourné court. La faute au manque de concentration de notre fille (un crime, à 4 ans) ? Non, la faute au musée !

Il faut dire, tout d’abord, que le jeu de cache-cache organisé par le livret dans la Galerie des Moulages n’est pas si amusant : les jolis autocollants colorés, qu’il s’agit de repérer au sol pour identifier l’œuvre qui fait l’objet de chaque question, sont parfois manquants, ou un peu trop bien cachés ; de plus, un grand nombre de questions exigent que l’enfant reconnaisse, parmi un grand nombre d’animaux ou de colonnes dessinés sur son livret, les deux ou trois présents dans l’œuvre qu’il observe. Des motifs parfois situés en hauteur, ou légèrement endommagés, ce qui rend la quête d’autant plus difficile que les solutions proposées par le livret sont foisonnantes. Et je doute qu’avec un an ou deux de plus la difficulté serait tombée : j’avais moi-même besoin de vérifier les réponses dans les solutions, heureusement fournies à la fin ! L’aspect répétitif des questions s’ajoutant à leur difficulté, ce livret, malgré ses couleurs vives et son titre séduisant, nous a vite semblé fastidieux à tous. Quant au « Parcours-jeu », il est trop limité pour constituer un fil rouge à la visite.

Mais le véritable responsable du « décrochage » si rapide de notre fille, c’est le musée lui-même, avec ses innombrables activités offertes aux enfants qui s’y promènent. Des activités qui sont « posées » un peu partout dans la Galerie des Moulages, et que leur manque d’accompagnement apparente plus à des jeux : de grandes formes en plastique à superposer pour inventer, à l’infini, des créatures aussi fantastiques que celles qui habitent les portails et chapiteaux de nos cathédrales ; un puzzle en vitrail, mais aussi une cathédrale en plastique transparent que l’on peut recouvrir de vitraux grâce à des formes multicolores en film plastique translucide (à faire selon le principe de l’énergie électrostatique – mon bras s’en ressent encore de les avoir frottées dessus !) ; un portail dont il faut recombiner les différents éléments (ce qui peut donner lieu à des créations très personnelles !), des charpentes à reconstituer, ainsi qu’une voûte d’ogive (à la fin, vous retirez le support et ça ne tombe pas – effet garanti, si votre fille n’est pas, comme la nôtre, trop peureuse pour accepter de prendre le risque !). Ces dernières activités attiraient d’ailleurs aussi les adultes. Ajoutez à cela des écrans épars dans toute la Galerie, et vous comprendrez qu’une enfant de quatre ans n’ait pas eu envie de rester plantée devant des moulages à répondre à des questions trop difficiles.

               
         

Pour elle, c’était parfait : elle n’a cessé de répéter combien ce musée était « chouette », « génial », « super ». Enthousiaste, elle allait d’une activité à l’autre, toujours à la recherche de la suivante. Mais pour moi (et pour sa sœur qui, bloquée dans la poussette, la voyait jouer sans pouvoir participer – ce qui l’a rendue grognon comme elle ne l’est jamais dans un musée), c’était plutôt frustrant. Impossible de montrer à ma fille les créatures bizarres et composites des moulages pour lui faire comprendre pourquoi elle pouvait elle aussi créer des animaux mi-girafe mi-chat. Difficile de lui faire observer le tympan dont elle reproduisait pourtant la structure, ou de lui expliquer à quoi correspondaient ces jeux de construction qui étaient en fait des charpentes… Bref, la prof qui ne sommeille jamais en moi piaffait d’impatience, et a fini par renoncer à expliquer quoi que ce soit. Ce n’est que dans la Galerie d’architecture moderne et contemporaine, qui présente des dizaines de maquettes de bâtiments variés, et qui permet surtout la découverte d’un appartement de la Cité radieuse de Le Corbusier à Marseille, que nous avons eu l’impression de quitter le jeu pour reprendre une véritable visite.

Pourtant, il y avait matière à combiner ludique et éducatif, et assez facilement : il aurait suffi d’un petit livret à remplir, avec quelques questions d’observation faciles, et quelques explications toutes simples introduisant aux différentes activités proposées, pour faire le lien entre ces jeux et ce qui entoure l’enfant tout au long de sa visite – les moulages impressionnants de monuments magnifiques, dans une espèce de galerie-cathédrale très aérée, très lumineuse, où l’on a l’impression de se promener. On a le sentiment que les conservateurs de ce musée ont voulu attirer les visiteurs de tous âges avec des écrans et des jeux, mais sans se mettre véritablement à la place des enfants – et de leurs parents, qui se sentent démunis pour les guider et sont réduits à les suivre de jeu en jeu. Un sentiment qui a été confirmé par un petit incident – anecdotique, certes, mais qui a clos notre visite sur une note négative : dans la fascinante Galerie des peintures murales et des vitraux, où sont reconstituées, avec leurs peintures et fresques, des églises perdues dans la campagne française, des spots sont installés par terre, tentation à laquelle notre fille s’est brûlé les doigts… Pour un musée qui se veut aussi « kids friendly », ce genre de détail est révélateur – de même que l’attitude du personnel, qui n’a pas montré plus de compassion face au gros bobo que d’embarras face au couac sur le site internet. Le musée offre de nombreuses activités pour occuper les enfants, mais rien, autour, ne donne l’impression qu’ils sont vraiment les bienvenus – mais peut-être, restant sur une impression négative, forcé-je un peu le trait.

Car au fond c’est un superbe musée, très agréable, qui offre une promenade dans le passé – et épargne des kilomètres sur les routes françaises ! Je garde le souvenir de la première découverte de ces salles par notre fille à deux ans, sa curiosité éveillée quand un ange attirait son regard – une visite guidée par sa liberté, et non contrainte par des jeux.


Palais de Chaillot, place du Trocadéro.
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 11h à 19h (nocturne le jeudi jusqu'à 21h).
Tarif : 8 euros (12 euros avec les expositions temporaires). Gratuit pour les moins de 18 ans (et les 18-25 ans de l'UE).
Divers ateliers et visites animées sont proposés aux familles (dès 4 ans pour certains ateliers proposés les dimanche). Tarif : 8 euros.

Aucun espace prévu pour goûter : on s'installe dans l'entrée, où de vagues sièges sont disposés. Sortie temporaire autorisée.

jeudi 17 mars 2016

10 tableaux et un ballon rouge

de Marie Sellier (Nathan, 2013)

Voilà à mon sens le livre idéal pour parler de peinture avec une enfant de quatre ans (et peut-être même un peu moins). Un principe ludique, une formule répétée en guise de fil rouge, des textes courts et bien écrits, parfaitement adaptés et à l'enfant et au tableau, des œuvres variées d'artistes connus... La recette est gagnante !

Il fallait y penser : Marie Sellier a choisi dix œuvres où l'on peut repérer un ballon rouge (les deux premières, en réalité) ou ce qui pourrait y ressembler. Chaque tableau est d'abord abordé par plusieurs petits œilletons, trous ronds percés dans la page qui précède ; l'enfant découvre ainsi, sur un fond uni, plusieurs détails du tableau - dont le fameux ballon rouge. Un court texte l'invite à s'interroger sur les objets dont ces détails font partie, créant ainsi une attente, ménageant des surprises. L'enfant est à chaque fois invité à tourner la page par la même formule : "Dans quel tableau, dans quelle histoire ? Mystère, mystère ! Allons voir !" Une belle trouvaille, qui donne un côté "conte de fée" ou "formule magique" à la lecture - au bout de quelques pages, c'est ma fille elle-même qui reprenait la formule avec entrain.

Puis l'on tourne la page pour découvrir l'œuvre dans son intégralité. Surprise, quand on constate ce qui aurait pu être un soleil, une montagne et ... un ballon rouge sont en fait les éléments d'un visage géométrique (Senecio de Paul Klee). Plaisir, quand on observe les détails cachés dans Le cirque bleu de Chagall ou dans Le Ballon de Valloton. Joie esthétique face aux œuvres ainsi dévoilées une fois la curiosité éveillée (chez nous, deux petits cris de joie, pour Chagall et pour Matisse). Le texte qui accompagne cette deuxième découverte des œuvres reste court, mais se révèle très riche : le nom du peintre est toujours donné, sans lourdeur, parfois accompagné d'informations sur la matérialité de l'œuvre (découpage et collage pour Icare de Matisse) ou sur son titre (quand il semble en contradiction avec ce que l'on voit, comme Femmes et oiseau, la nuit, de Miró) ; surtout l'enfant est appelé à observer l'œuvre, ses détails, ses étrangetés (les cheveux verts, que l'on pourrait prendre pour de l'herbe, d'un portrait de Picasso ; un homme en costume semblant sortir, comme flottant, d'un cadre ou d'une fenêtre, en apesanteur dans le chantier des Constructeurs de Fernand Léger), ses mystères. Le style même de ces petits textes semble s'adapter à celui de l'œuvre, et sa mise en page ludique varie également, dans une harmonie vraiment parfaite :  mots qui bondissent comme le ballon rouge des Joueurs de football de Douanier Rousseau, lignes disposées de manière à rappeler les trapèzes qui forment les silhouettes des Paysans de Malevitch, texte multicolore qui flotte face à la "danse des têtards de l'espace" d'un Dessin de Kandinsky...

Si le principe de l'observation des détails d'un tableau par œilletons, et le jeu de devinettes qui l'accompagne ne sont pas nouveaux, Marie Sellier en donne une version qui non seulement se démarque par "un truc en plus" - la continuité d'un motif ludique, le ballon rouge - mais réussit à réunir tous les éléments d'un bon livre d'art pour enfants : de belles œuvres, d'artistes majeurs ; de beaux textes, parfois presque poétiques, mais toujours adaptés au public enfantin ; un appel au jeu, au rêve, à l'émotion autant qu'à l'observation et à la curiosité. L'enfant, qui n'est jamais pris pour un idiot, est actif dans cette lecture : le livre l'interroge, l'interpelle, le pousse à deviner, à chercher, à s'amuser. Et la diversité des œuvres lui apprend à s'attendre à tout quand il s'agit de peinture !

Des affiches en libre service !

(Dix-neuf mille affiches. 1994-2016 – Michel François, Château de Rentilly)

Merci à Auriane B. D. qui m'a signalé (je la cite) cette "expo kids friendly dans un cadre sublime" - et m'a ainsi donné l'idée de cette rubrique collaborative !

Informations pratiques et théoriques sur cette page :
http://www.fraciledefrance.com/affiches-michel-francois/

À vos visites !

J'ouvre cet onglet pour que vous puissiez vous aussi partager vos visites en famille - un moyen pour moi de sortir un peu de Paris (même si j'ai quelques articles "provinciaux" à vous servir, quand j'aurai le temps de les écrire) mais aussi de parler de ce que je n'aurai peut-être pas le temps de voir moi-même.

Alors n'hésitez pas à me faire part de vos bonnes et mauvaises expériences, je les relayerai ici - avant, peut-être, d'en faire moi-même l'objet d'un billet, si je suis vos bons conseils !

mercredi 9 mars 2016

En avant la couleur!

(exposition Gérard Fromanger)

 

Souffle de mai 1968-2005
Ludique et colorée. Non, il ne s’agit pas là d’une animation-attraction pour enfants, comme la très fréquentée (et très commerciale) boîte à Chagall de la Cité de la musique (1). Ces deux adjectifs qualifient à mes yeux la très sérieuse exposition que le centre Pompidou consacre en ce moment à Gérard Fromanger.

Pourtant, cet artiste engagé, proche de l’esthétique de la figuration narrative, a fait saigner le drapeau tricolore, et peint le portrait des penseurs qui l’influençaient, comme Foucault ou Deleuze, qui furent aussi ses commentateurs. S’inspirant de la photographie, il travaille à partir d’images projetées dans son atelier plongé dans le noir. Une réflexion formelle qui n’est jamais séparée d’un regard politique sur la société moderne. Bref, je vous l’ai dit, quelqu’un de tout à fait sérieux.

Cela n’empêche que nous avons passé presque deux heures dans les six ou sept salles qui retracent, en une cinquantaine d’œuvres de formats et de natures diverses, les différents moments de sa création de 1957 à 2015. Et cela sans traîner le moins du monde notre fille de quatre ans, qui est d’elle-même restée longuement devant certaines toiles. Sans non plus, rassurez-vous, devoir lui expliquer mai 68 ou la guerre Froide. Et sans petit livret ludique, sans support dédié aux enfants, sans compétences ni connaissances précises en histoire de l’art.

Car bon nombre des œuvres exposées sont facilement accessibles et se prêtent à une lecture non savante, voire ludique. Devant Hommage à Topino-Lebrun 1- La Mort de Caïus Gracchus, on peut jouer à comparer l’œuvre avec le tableau qui lui a servi de source, La Mort de Caius Gracchus de François Topino-Lebrun, mais aussi à relier chaque silhouette à la légende de hachures qui la recouvre. Un jeu de reconnaissance auquel notre aînée (trop jeune encore pour s’amuser du clin d’œil fait aux cartes des leçons de géographie) s’est livrée avec encore plus de joie face aux légendes aux couleurs vives de Quel est le fond de votre pensée ?. Autre analogie amusante, celle de Bastille réseaux avec le plan du métro. Les réseaux de fils sont un autre « trait » de la peinture de Gérard Fromanger, qui l’utilise pour sa série de portraits, eux aussi hauts en couleurs.


Car la couleur est (presque) partout dans cette exposition, dont le ton est donné dès la première oeuvre, Souffle de mai 1968, une demi-sphère de plexiglas rouge translucide, à travers laquelle on peut jouer à se faire des grimaces. Couleur des silhouettes sur des fonds blancs ou noirs, parmi lesquelles on peut jouer à repérer un enfant à vélo ou une poussette, à moins que l’on ne veuille en profiter pour expliquer la symétrie. Couleur de la peinture qui coule sur les toiles (notamment pour la série Le Rouge) – une vidéo montre le procédé en acte, pour la réalisation d’un drapeau tricolore envahi par une coulée de rouge. Couleurs explosives qui envahissent le planisphère dans À mon seul désir, où l’on peut repérer la dame à la licorne, la colombe de la paix, et le profil du peintre. Un artiste qui se représente au milieu de la tourmente de l’Histoire dans Vision du monde – notre fille n’a que quatre ans, mais elle a longuement contemplé cette toile imposante, pour y identifier une pyramide, une cigogne, une cathédrale, images de culture et de sérénité mêlées voire superposées à celles de la guerre (version bataille navale ou version explosion de couleurs). Et même si son observation nous a menées à des considérations aussi profondes que « la guerre, c’est mal », j’ai apprécié ce moment de « cherche et trouve » pictural. Il est agréable de pouvoir parler d’un tableau avec un enfant si petit, et c’est gratifiant pour lui d’en découvrir les éléments, d’en comprendre le message, ne serait-ce que partiellement ou naïvement.

À mon seul désir
L’œuvre de Fromanger se prête bien à cette initiation. Selon l’âge de votre enfant, l’exposition permet une promenade dans un monde de couleurs, une observation ludique de certaines toiles, mais aussi une réflexion sur la matière (peinture qui coule, mais aussi sculpture qui imite la peinture qui coule) et sur la technique (une vidéo est projetée qui montre le peintre au travail), ou, pour les plus grands, sur les liens entre l’art et l’Histoire. Pour nous, ce fut un agréable moment en famille, même la petite applaudissait au milieu de ces couleurs vives – ou en voyant, en arrivant au 4e étage, la belle lumière d’hiver qui inondait alors les toits de Paris.


Du 17 février au 16 mai 2016.
Tous les jours sauf le mardi, de 11h à 22h.
Centre Pompidou, Galerie d’art graphique et Galerie du Musée – à l’intérieur de l’exposition permanente (4e étage, accessible par le 5e étage).
Tarif : 14 euros (réduit : 11 euros). Gratuit pour les moins de 18 ans.
Deux ateliers sont proposés aux enfants en lien avec l’exposition : « Le Charivari Fromanger » (2-5 ans) et « Le scénario Fromanger ! » (6-10 ans) – 10 euros (un enfant + un adulte).

Pas d'espace goûter à l'intérieur des collections, mais un café au sommet du bâtiment avec vue splendide sur Paris, et un autre sur les galeries qui surplombent le hall. Sortie temporaire autorisée.

(1) Adossée à une merveilleuse exposition, « Chagall : le triomphe de la musique », terminée le 31 janvier, la « boîte » a continué jusqu’au 6 mars, preuve que son objectif premier était tout sauf pédagogique. Je ne vais pas écrire un billet sur ce sujet, puisqu’il est trop tard pour s’y rendre, mais ce mini parc d’attraction, peu encadré, était plus propre à exciter les enfants qu’à les instruire. Rien à voir par exemple avec ce que propose le Musée Jacquemart-André.


Petit épilogue - le 14 mai 2016

A deux jours de la fin de l'exposition, étant "de passage" au Centre Pompidou, je n'ai pas pu résister au plaisir de faire un petit tour dans l'exposition Fromanger (encore très fréquentée). Notre grande s'est plantée devant Vision du monde et m'a demandé : "c'est quoi, déjà, l'histoire, maman ?" ; après m'avoir dit qu'elle ne voyait que de la tempête, elle a commencé à identifier des motifs, et a fini par me demander pourquoi le peintre avait l'air triste. En quelques instants, elle avait "senti" la toile, avec ses mots d'enfant, c'était beau !

jeudi 3 mars 2016

Le musée Jacquemart-André, trésor pour petits et grands


Qui l’aurait cru ? Ce petit bijou dans un écrin haussmannien, ce palais-musée avec ses salons d’époque et son lit à baldaquin, malgré ses cordons et autres écriteaux « ne pas s’asseoir », malgré ses parquets cirés hostiles aux poussettes, accueille volontiers les enfants, les invite même à jouer ! Pendant les deux semaines des vacances d’hiver, mais aussi pendant tout l’été, le musée organise chaque après-midi une visite adaptée aux enfants, qui est suivie d’ateliers encadrés par la conférencière.

Et ce non-rejet des enfants – poussé jusqu’à l’extrême à Jacquemart-André, puisque vous pouvez même y organiser le goûter d’anniversaire de vos bambins (les friandises sont-elles servies dans de la porcelaine fine ? le fantasme reste entier, quoiqu’on frise le snobisme !) –, cette ouverture aux familles se sent dès l’entrée : tout le monde, même le vigile qui contrôle votre sac, salue gentiment les enfants ; à la billetterie, le carnet de parcours ludique vous est tendu spontanément par la vendeuse, sans que vous ayez à le réclamer, et alors même que vos enfants n’ont pas l’âge indiqué (7 ans et plus) ; dans les salles, des sourires et aucune angoisse, contrairement à certain musée « à-cordons-pour-protéger-les-meubles » (Carnavalet pour ne pas le nommer) où votre enfant est guetté de salle en salle, comme une bombe prête à exploser, et réprimandé quand il touche le fameux cordon ; même au café, plutôt archi-chic, où nous avons pris le goûter post-visite, les serveuses étaient aimables avec notre aînée, et ne semblaient pas la regarder comme un danger pour leur vaisselle ou pour le silence du lieu. Bref, un zéro faute !

Après un petit tour dans cette incroyable maison-musée, nous avons suivi une conférencière pendant une bonne demi-heure dans un parcours qui comprend presque l’intégralité des pièces à visiter. Je ne sais si cela doit être imputé au fait que la troupe enfantine était ce jour-là exclusivement féminine, mais je dois dire que la conférencière a donné à sa visite un tour un peu trop « girly » à mon goût : portrait d’Edouard André à admirer, robe de bal imaginaire à enfiler comme les invités (près de 1000 parfois !) qui venaient danser dans ces salons, miroir où vérifier ses atours imaginaires, c’était parfois mignon, parfois carrément cucul et inutile. Cela mis à part, elle a su pointer des détails amusants (une horloge rectangulaire, des murs amovibles), mais aussi apporter des informations importantes sans qu’on ait l’impression de suivre un cours. En interrogeant habilement les enfants, elle leur a, mine de rien, fait observer les tableaux les plus célèbres du musée : le Portrait de Françoise-Renée de Canisy, marquise d'Antin, de Jean-Marc Nattier, disposé stratégiquement dans l’antichambre ; le Saint Georges terrassant le dragon de Paolo Uccello (avec un résumé de l’épisode et quelques indications sur la valeur symbolique du dragon) ; et Les pèlerins d’Emmaüs de Rembrandt, où les enfants sont amenés à observer le travail de l’ombre et de la lumière. Bref, une visite vivante et intéressante, habilement menée, puisqu’elle fait traverser l’intégralité du musée aux enfants, sans les faire piétiner, mais sans oublier non plus de les instruire.

Ensuite, vient la partie récréative : les ateliers ! Autour d’une grande table carrée installée dans le cadre charmant du jardin d’hiver, les activités proposées sont variées, adaptées aux différents âges : notre aînée, quatre ans, s’est jetée sur les coloriages, nombreux et variés, puis a créé une construction avec des Kapla, avant de laisser parler sa créativité avec des pastels secs et du papier crépon ; des pochoirs (ou plutôt formes-contours) permettent aux petits comme aux grands de dessiner à partir des tableaux du musée (dame dansant ou portrait d’homme), deux chevalets étant mis à la disposition des plus grands ; d’autres ont joué au memory ou fait des puzzles – toujours autour des œuvres du musée. Quelques coussins forment un coin lecture où les parents peuvent feuilleter des livres d’histoire de l’art adaptés aux enfants. Enfin, cerise sur le gâteau, des déguisements imitant les costumes des personnages présents sur les toiles du musée peuvent être enfilés pour une séance de pose dans une boîte-cadre : se faire tirer le portrait en robe de grande dame ou en costume de velours, qui pourrait résister ?



Du 20 février au 6 mars puis du 1er juillet au 31 août.
Tous les jours, de 14h30 à 17h30 (visite à 14h45).
Pour les enfants de 4 à 12 ans.

12 euros pour les parents, gratuit pour les enfants (visite libre ou ateliers).
Poussette non autorisée dans le musée, pour les plus petits prévoir un porte-bébé.

Pas d'espace goûter dans l'espace du musée, mais un café se trouve juste avant l'entrée. Sortie provisoire autorisée.