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Souffle de mai 1968-2005 |
Ludique et colorée. Non, il ne s’agit pas là d’une animation-attraction
pour enfants, comme la très fréquentée (et très commerciale) boîte à Chagall de
la Cité de la musique (1). Ces deux adjectifs qualifient à mes yeux la très
sérieuse exposition que le centre Pompidou consacre en ce moment à Gérard
Fromanger.
Pourtant, cet artiste engagé, proche de l’esthétique de la
figuration narrative, a fait saigner le drapeau tricolore, et peint le portrait
des penseurs qui l’influençaient, comme Foucault ou Deleuze, qui furent aussi
ses commentateurs. S’inspirant de la photographie, il travaille à partir
d’images projetées dans son atelier plongé dans le noir. Une réflexion formelle
qui n’est jamais séparée d’un regard politique sur la société moderne. Bref, je
vous l’ai dit, quelqu’un de tout à fait sérieux.
Cela n’empêche que nous avons passé presque deux heures dans
les six ou sept salles qui retracent, en une cinquantaine d’œuvres de formats
et de natures diverses, les différents moments de sa création de 1957 à 2015.
Et cela sans traîner le moins du monde notre fille de quatre ans, qui est
d’elle-même restée longuement devant certaines toiles. Sans non plus,
rassurez-vous, devoir lui expliquer mai 68 ou la guerre Froide. Et sans petit
livret ludique, sans support dédié aux enfants, sans compétences ni
connaissances précises en histoire de l’art.


Car la couleur est (presque) partout dans cette exposition,
dont le ton est donné dès la première oeuvre, Souffle de mai 1968, une demi-sphère de plexiglas rouge
translucide, à travers laquelle on peut jouer à se faire des grimaces. Couleur
des silhouettes sur des fonds blancs ou noirs, parmi lesquelles on peut jouer à
repérer un enfant à vélo ou une poussette, à moins que l’on ne veuille en
profiter pour expliquer la sy
métrie. Couleur de la peinture qui coule sur les
toiles (notamment pour la série Le Rouge)
– une vidéo montre le procédé en acte, pour la réalisation d’un drapeau
tricolore envahi par une coulée de rouge. Couleurs explosives qui envahissent
le planisphère dans À mon seul désir, où
l’on peut repérer la dame à la licorne, la colombe de la paix, et le profil du
peintre. Un artiste qui se représente au milieu de la tourmente de l’Histoire
dans Vision du monde – notre fille
n’a que quatre ans, mais elle a longuement contemplé cette toile imposante,
pour y identifier une pyramide, une cigogne, une cathédrale, images de culture
et de sérénité mêlées voire superposées à celles de la guerre (version bataille
navale ou version explosion de couleurs). Et même si son observation nous a
menées à des considérations aussi profondes que « la guerre, c’est
mal », j’ai apprécié ce moment de « cherche et trouve »
pictural. Il est agréable de pouvoir parler d’un tableau avec un enfant si
petit, et c’est gratifiant pour lui d’en découvrir les éléments, d’en
comprendre le message, ne serait-ce que partiellement ou naïvement.

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À mon seul désir |
L’œuvre de Fromanger se prête bien à cette initiation. Selon
l’âge de votre enfant, l’exposition permet une promenade dans un monde de
couleurs, une observation ludique de certaines toiles, mais aussi une réflexion
sur la matière (peinture qui coule, mais aussi sculpture qui imite la peinture
qui coule) et sur la technique (une vidéo est projetée qui montre le peintre au
travail), ou, pour les plus grands, sur les liens entre l’art et l’Histoire.
Pour nous, ce fut un agréable moment en famille, même la petite applaudissait
au milieu de ces couleurs vives – ou en voyant, en arrivant au 4e
étage, la belle lumière d’hiver qui inondait alors les toits de Paris.
Tous les jours sauf le mardi, de 11h à 22h.
Centre Pompidou, Galerie d’art graphique et Galerie du Musée
– à l’intérieur de l’exposition permanente (4e étage, accessible par
le 5e étage).
Tarif : 14 euros (réduit : 11 euros). Gratuit pour
les moins de 18 ans.
Deux ateliers sont proposés aux enfants en lien avec
l’exposition : « Le Charivari Fromanger » (2-5 ans) et « Le
scénario Fromanger ! » (6-10 ans) – 10 euros (un enfant + un adulte).
Pas d'espace goûter à l'intérieur des collections, mais un café au sommet du bâtiment avec vue splendide sur Paris, et un autre sur les galeries qui surplombent le hall. Sortie temporaire autorisée.
(1) Adossée à une merveilleuse exposition,
« Chagall : le triomphe de la musique », terminée le 31 janvier,
la « boîte » a continué jusqu’au 6 mars, preuve que son objectif
premier était tout sauf pédagogique. Je ne vais pas écrire un billet sur ce
sujet, puisqu’il est trop tard pour s’y rendre, mais ce mini parc d’attraction,
peu encadré, était plus propre à exciter les enfants qu’à les instruire. Rien à
voir par exemple avec ce que propose le Musée Jacquemart-André.
Petit épilogue - le 14 mai 2016
A deux jours de la fin de l'exposition, étant "de passage" au Centre Pompidou, je n'ai pas pu résister au plaisir de faire un petit tour dans l'exposition Fromanger (encore très fréquentée). Notre grande s'est plantée devant Vision du monde et m'a demandé : "c'est quoi, déjà, l'histoire, maman ?" ; après m'avoir dit qu'elle ne voyait que de la tempête, elle a commencé à identifier des motifs, et a fini par me demander pourquoi le peintre avait l'air triste. En quelques instants, elle avait "senti" la toile, avec ses mots d'enfant, c'était beau !
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