vendredi 18 mars 2016

Du plâtre et des jeux !

(Cité de l’Architecture et du Patrimoine)

Ce n’était pourtant pas notre première visite dans cette version modernisée de l’ancien Musée des Monuments français – nous l’avions visité lors de sa réouverture en 2007 (il avait été rebaptisé pour l’occasion du titre plus contemporain de Cité de l’Architecture et du Patrimoine), sans enfants, puis avec notre aînée quand elle avait 2 ans. Mais nous avons été surpris – et un peu pris de court – par la quantité d’activités offertes aux jeunes visiteurs.


La visite avait débuté sous de mauvais auspices : venant un samedi de fin de vacances sur la foi d’informations présentes sur le site du musée, qui annonçait une animation destinée aux enfants, nous avons appris que rien n’était organisé ce jour-là. « Si vous pouvez, revenez demain », nous répondit-on, comme si nous logions dans le 16e arrondissement ! Après avoir confirmé que le site n’est pas fiable (informations obsolètes dans l’onglet « Jeune public », et imprécises dans l’onglet « En famille »), on nous tend la brochure qui contient le descriptif et les dates des différents ateliers – brochure introuvable sur le site, mais que l’on peut demander à recevoir par courrier… Effectivement, il est plus rapide de se déplacer au musée !

Nous demandons alors s’il existe un livret-jeu pour les enfants ; là, deuxième sujet d’agacement : le musée propose cinq livrets-jeux différents, trois pour les 7-12 ans et deux à partir de 5 ans. Quelle abondance ! Sauf que ces livrets, il faut les acheter, entre 1,50 euros et 2,50 euros. Et personne ne nous signale le « Parcours-jeu » disponible gratuitement sur les présentoirs (à partir de 6 ans) – un simple feuillet plié en quatre, proposant huit questions qui attirent l’attention sur quelques œuvres de la Galerie des moulages et, davantage, de la Galerie d’architecture moderne et contemporaine.

Armés de ce squelette de livret, d’un cahier payant intitulé « Cache-Cache Moulages » et d’un stylo, nous entrons dans la Galerie des Moulages, bien décidés à exploiter ce matériel ludo-pédagogique pour faire admirer à notre fille ces reproductions de tympans, portails, chapiteaux, et autres morceaux de cathédrales et de monuments des quatre coins de la France. Mais ce parcours ambitieux a vite tourné court. La faute au manque de concentration de notre fille (un crime, à 4 ans) ? Non, la faute au musée !

Il faut dire, tout d’abord, que le jeu de cache-cache organisé par le livret dans la Galerie des Moulages n’est pas si amusant : les jolis autocollants colorés, qu’il s’agit de repérer au sol pour identifier l’œuvre qui fait l’objet de chaque question, sont parfois manquants, ou un peu trop bien cachés ; de plus, un grand nombre de questions exigent que l’enfant reconnaisse, parmi un grand nombre d’animaux ou de colonnes dessinés sur son livret, les deux ou trois présents dans l’œuvre qu’il observe. Des motifs parfois situés en hauteur, ou légèrement endommagés, ce qui rend la quête d’autant plus difficile que les solutions proposées par le livret sont foisonnantes. Et je doute qu’avec un an ou deux de plus la difficulté serait tombée : j’avais moi-même besoin de vérifier les réponses dans les solutions, heureusement fournies à la fin ! L’aspect répétitif des questions s’ajoutant à leur difficulté, ce livret, malgré ses couleurs vives et son titre séduisant, nous a vite semblé fastidieux à tous. Quant au « Parcours-jeu », il est trop limité pour constituer un fil rouge à la visite.

Mais le véritable responsable du « décrochage » si rapide de notre fille, c’est le musée lui-même, avec ses innombrables activités offertes aux enfants qui s’y promènent. Des activités qui sont « posées » un peu partout dans la Galerie des Moulages, et que leur manque d’accompagnement apparente plus à des jeux : de grandes formes en plastique à superposer pour inventer, à l’infini, des créatures aussi fantastiques que celles qui habitent les portails et chapiteaux de nos cathédrales ; un puzzle en vitrail, mais aussi une cathédrale en plastique transparent que l’on peut recouvrir de vitraux grâce à des formes multicolores en film plastique translucide (à faire selon le principe de l’énergie électrostatique – mon bras s’en ressent encore de les avoir frottées dessus !) ; un portail dont il faut recombiner les différents éléments (ce qui peut donner lieu à des créations très personnelles !), des charpentes à reconstituer, ainsi qu’une voûte d’ogive (à la fin, vous retirez le support et ça ne tombe pas – effet garanti, si votre fille n’est pas, comme la nôtre, trop peureuse pour accepter de prendre le risque !). Ces dernières activités attiraient d’ailleurs aussi les adultes. Ajoutez à cela des écrans épars dans toute la Galerie, et vous comprendrez qu’une enfant de quatre ans n’ait pas eu envie de rester plantée devant des moulages à répondre à des questions trop difficiles.

               
         

Pour elle, c’était parfait : elle n’a cessé de répéter combien ce musée était « chouette », « génial », « super ». Enthousiaste, elle allait d’une activité à l’autre, toujours à la recherche de la suivante. Mais pour moi (et pour sa sœur qui, bloquée dans la poussette, la voyait jouer sans pouvoir participer – ce qui l’a rendue grognon comme elle ne l’est jamais dans un musée), c’était plutôt frustrant. Impossible de montrer à ma fille les créatures bizarres et composites des moulages pour lui faire comprendre pourquoi elle pouvait elle aussi créer des animaux mi-girafe mi-chat. Difficile de lui faire observer le tympan dont elle reproduisait pourtant la structure, ou de lui expliquer à quoi correspondaient ces jeux de construction qui étaient en fait des charpentes… Bref, la prof qui ne sommeille jamais en moi piaffait d’impatience, et a fini par renoncer à expliquer quoi que ce soit. Ce n’est que dans la Galerie d’architecture moderne et contemporaine, qui présente des dizaines de maquettes de bâtiments variés, et qui permet surtout la découverte d’un appartement de la Cité radieuse de Le Corbusier à Marseille, que nous avons eu l’impression de quitter le jeu pour reprendre une véritable visite.

Pourtant, il y avait matière à combiner ludique et éducatif, et assez facilement : il aurait suffi d’un petit livret à remplir, avec quelques questions d’observation faciles, et quelques explications toutes simples introduisant aux différentes activités proposées, pour faire le lien entre ces jeux et ce qui entoure l’enfant tout au long de sa visite – les moulages impressionnants de monuments magnifiques, dans une espèce de galerie-cathédrale très aérée, très lumineuse, où l’on a l’impression de se promener. On a le sentiment que les conservateurs de ce musée ont voulu attirer les visiteurs de tous âges avec des écrans et des jeux, mais sans se mettre véritablement à la place des enfants – et de leurs parents, qui se sentent démunis pour les guider et sont réduits à les suivre de jeu en jeu. Un sentiment qui a été confirmé par un petit incident – anecdotique, certes, mais qui a clos notre visite sur une note négative : dans la fascinante Galerie des peintures murales et des vitraux, où sont reconstituées, avec leurs peintures et fresques, des églises perdues dans la campagne française, des spots sont installés par terre, tentation à laquelle notre fille s’est brûlé les doigts… Pour un musée qui se veut aussi « kids friendly », ce genre de détail est révélateur – de même que l’attitude du personnel, qui n’a pas montré plus de compassion face au gros bobo que d’embarras face au couac sur le site internet. Le musée offre de nombreuses activités pour occuper les enfants, mais rien, autour, ne donne l’impression qu’ils sont vraiment les bienvenus – mais peut-être, restant sur une impression négative, forcé-je un peu le trait.

Car au fond c’est un superbe musée, très agréable, qui offre une promenade dans le passé – et épargne des kilomètres sur les routes françaises ! Je garde le souvenir de la première découverte de ces salles par notre fille à deux ans, sa curiosité éveillée quand un ange attirait son regard – une visite guidée par sa liberté, et non contrainte par des jeux.


Palais de Chaillot, place du Trocadéro.
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 11h à 19h (nocturne le jeudi jusqu'à 21h).
Tarif : 8 euros (12 euros avec les expositions temporaires). Gratuit pour les moins de 18 ans (et les 18-25 ans de l'UE).
Divers ateliers et visites animées sont proposés aux familles (dès 4 ans pour certains ateliers proposés les dimanche). Tarif : 8 euros.

Aucun espace prévu pour goûter : on s'installe dans l'entrée, où de vagues sièges sont disposés. Sortie temporaire autorisée.

2 commentaires:

  1. Ton billet m'interroge ... C'est bon signe, n'est-ce pas ? D'un côté j'admire votre détermination à tout expliquer et vraisemblablement votre exigence, me demandant où je me place sur cette échelle invisible de la transmission scientifique. D'un autre, je me dis que ne pas tout avoir vu, compris ou repris n'est pas grave du tout. Que chaque passage, visite, rencontre consolide ce que l'on sait, ouvre d'autres quêtes et qu'il est peut-être important que les enfants, les jeunes enfants gardent un souvenir de bien être de leurs sorties au musée. Y revenir leur sera au pire facile, au mieux vital !!!
    Je me pose plein de questions à la lecture de ton blog, j'apprécie ... J'espère que mes réflexions à haute voix ne te dérangent pas. Je tiens moi aussi un blog et je sais le plaisir et la richesse d'avoir des commentaires.

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    1. Tu soulèves une question que je me pose aussi, et que je pensais aborder dans un prochain billet (celui-ci était déjà bien rempli !).
      D'aucuns (mon mari, pour ne pas le nommer) trouvent aussi que je suis trop sévère (avec les musées en général, et notamment avec la Cité de l'Architecture et du Patrimoine) et trop exigeante (avec notre fille). Je le reconnais volontiers.
      Cela étant, je te rassure, mon objectif n'est jamais de tout expliquer !! Au départ, nous n'expliquions rien, nous contentant d'attirer le regard de notre fille sur une œuvre, un détail amusant etc. Et nous répondions à ses questions. C'est ainsi que nous avions visité la Cité de l'Architecture et du Patrimoine la première fois ; elle avait deux ans, et cela avait été une agréable promenade au milieu des monuments.
      Ce qui m'a surtout frustrée dans cette seconde visite, c'est de ne pas pouvoir attirer son attention sur quoi que ce soit, car elle était centrée sur les activités successives. J'aurais voulu lui montrer les animaux fantastiques des portails, par exemple, pour que le jeu de création qu'elle faisait prenne un sens. Mais c'est sans doute un excès de zèle de ma part : l'essentiel est bien entendu qu'elle ait passé un bon moment !
      Il y a un dernier défaut à mes yeux à l'omniprésence de jeux dans un musée : je trouve qu'à chaque fois, non seulement l'enfant ne regarde plus les œuvres, obnubilé qu'il est par la quête du prochain jeu, mais aussi qu'il s'excite davantage, est moins calme, moins sage. C'était très net par exemple dans la "Boîte à Chagall", dont tous les enfants sortaient surexcités. Peut-être est-ce propre à ma fille, mais du coup je trouve ces visites trop ludiques moins agréables pour les parents (et c'est important aussi !). Mais je reconnais que je suis un peu psychorigide sur les bords !

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