(Petite Galerie, Musée du Louvre ; Musée d'Orsay)
Pour motiver les enfants à venir au musée ou donner du sens à leur visite, on peut partir d'un livre, qu'il s'agisse d'une histoire qui les fait rêver (vous ai-je déjà parlé de Petit Noun, l'ami chéri que mon aînée veut voir à chacun de ses passages au Louvre ?) ou de livres d'art (un bon vieux Taschen nous a aidé à préparer la visite de l'exposition Magritte et à savoir si notre grande était susceptible de l'apprécier). On peut aussi partir d'un thème, comme le font certaines visites destinées aux enfants dans de nombreux musées (les dragons au Musée de la Musique, par exemple), ou encore d'un film.
Pendant les dernières vacances, notre cinéma de quartier passait Ballerina, que nous n'avions pas vu à sa sortie en décembre. J'y ai emmené notre grande, avec sa copine de danse. Même si le rêve de ma fille d'être ballerine n'a pas survécu au délire post-film entre copines (et je ne vais pas m'en plaindre), nous avons décidé de surfer sur le thème de la danse pour nos visites de musées. Avec pour commencer l'exposition au long cours qui occupe la Petite Galerie du Louvre, espace dédié à l'éducation culturelle et artistique, autour d'un thème qui est exploré par le musée et par ses invités - en ce moment, le chorégraphe Benjamin Millepied. Car, cette année (d'octobre à juillet), dans une thématique "Corps en mouvement" qui a pour but d'observer la façon dont les arts traduisent le gestes et émotions dans des œuvres inanimées, la Petite Galerie amène "la danse au musée".
Il s'agit d'un espace peu étendu, qui tiendrait presque de la promenade fermée. Rien d'étouffant cependant, malgré l'absence de fenêtres, grâce au blanc omniprésent sur les murs et aux miroirs qui habillent la petite rotonde où aboutit le parcours. Tous les espaces sont habilement occupés, sans surcharge ni gadget. Ici, l'éclectisme est de mise : vases grecs côtoient peinture orientale, sculptures et moulages (de l'Antiquité à Calder, en passant par Rodin) toiles et photographies. Sans oublier les projections, en face l'une de l'autre, de deux versions de la Danse serpentine, qui ont longuement fasciné nos deux filles, avec leurs volutes de voiles colorisés. Les œuvres sont accompagnées de courts textes explicatifs (auxquels il faut ajouter une courte vidéo intitulée "Animer l'argile", qui montre les mains et la technique du sculpteurs à l'œuvre), mais l'écrit n'est jamais envahissant, et les visiteurs ne s'engluent pas devant les panneaux explicatifs comme c'est si souvent le cas dans les expositions temporaires. Chacun peut, au gré de ses envies, confronter une danseuse de Degas avec une acrobate antique, une toile représentant des chevaux de course les quatre pieds décollés du sol, avec des clichés montrant l'impossibilité physique d'un tel vol plané.
Il y en a donc pour tous les goûts dans cette Galerie, petite par la taille mais pas par l'ambition, puisqu'il s'agit d'initier à l'art tous les publics, et notamment les plus jeunes - c'est du moins ainsi qu'elle est présentée sur le site qui lui est dédié, ainsi que sur le site du Louvre, par le président-directeur du musée du Louvre, Jean-Luc Martinez lui-même, qui semble tenir à cette ouverture à "tous les publics", indépendamment de leur "niveau de connaissance". Initialement, cet espace était notamment destiné "aux jeunes et à leurs accompagnateurs", et un livret de jeux devait être associé aux expositions. Or, de livret, point. Nous l'avons pourtant demandé à l'accueil du musée, où l'on nous a répondu qu'il n'y en avait pas. Si ce type de livret a existé auparavant, l'idée a malheureusement fait long feu, preuve que les enfants ne sont pas la priorité du musée du Louvre, loin de là. D'ailleurs, rien dans notre visite de la Petite Galerie ne nous a donné l'impression qu'elle était destinée aux plus jeunes. Les œuvres sont parfois très petites, et exposées en hauteur - il a fallu porter notre aînée plusieurs fois. Aucun dispositif (écrans, borne numérique tactile ou même de ces plaquettes plastifiées que l'on trouve parfois dans les musées les moins modernes) ne vient animer ou éclairer la visite. Les œuvres sont surtout bien trop nombreuses pour un public jeune ou non averti ; moi-même, en consultant ensuite le site de la Galerie, avec sa liste d'œuvres exposées et sa visite virtuelle, j'ai découvert des œuvres que je ne me souvenais pas avoir vues. Trop d'œuvres donc, et trop diverses : il me semble qu'un public non initié pourrait se perdre dans cette profusion et surtout ne pas s'y retrouver dans la diversité des courants et des époques, puisque tous se côtoient. La démarche n'est clairement pas historique - ce qui peut se défendre - mais pas du tout pédagogique non plus. Eduquer le regard est difficile, me semble-t-il, quand il ne sait où se poser.
Bref, nous avons apprécié notre visite, et nos filles aussi - même si elles semblaient ne pas trop savoir où donner de la tête et, comme cela arrive souvent dans un musée trop grand ou trop dense (ce fut le cas par exemple au musée du quai Branly), était toujours tentée d'aller voir plus loin au lieu de rester un peu devant une œuvre. Mais je pense que notre habitude des musées et nos modestes connaissances en art (notre fille se souvient de sa visite au musée Rodin et des danseuses de Degas) nous ont aidé à apprécier cette visite, à orienter notre regard et celui de nos filles, à choisir quelques œuvres pour les commenter avec elles. Car rien n'est fait pour les enfants dans cette Petite Galerie (comme dans le Louvre en général) - à commencer par la sortie : comme nous avions notre poussette (vide, car la petite voulait marcher, mais impossible de la laisser au vestiaire), la gardienne nous a enjoint de ressortir par l'entrée. Je n'ai compris qu'ensuite que nous avions ainsi manqué une œuvre, qui aurait pourtant plu à nos filles (une série de grands clichés tirés du film Entr'acte de René Clair, qui montrent une danseuse vue d'en bas à travers un sol vitré, décomposant ses pas et ses sauts). On a sans doute voulu nous épargner quelques marches (surmontables avec une poussette à vide), mais cela s'est avéré inutile puisque nous en avons monté d'autres ensuite pour parcourir la cour voisine de la Petite Galerie, la cour Marly, où sont exposées plusieurs œuvres qui permettent de prolonger la thématique de l'exposition sur le mouvement, et notamment les couples formés par Hippomène et Atalante et Apollon poursuivant Daphné de Nicolas Coustou.
Les commissaires de l'exposition de la Petite Galerie proposent en effet deux parcours, à travers les salles de la sculpture française et celles de la peinture italienne, afin de prolonger l'exploration de la thématique du corps en mouvement. Dommage que les très belles salles consacrées à la sculpture française soient actuellement fermées pour travaux... Nous aurons au moins pu admirer les grandes œuvres de la cour Marly, qui plaisent à la petite comme à la grande - je me souviens que c'est par la sculpture que nous avions commencé avec elle, quand elle avait l'âge de sa sœur, notre exploration du Louvre ; les œuvres sont grandes et s'offrent donc directement aux regards. Chevaux, hommes pris en pleine course ou en pleine lutte avec des bêtes sauvages, dieux et déesses, la cour Marly est un très beau lieu, clair, lumineux, vaste, où les œuvres ont de l'espace et les visiteurs du recul pour les apprécier ; un lieu calme aussi, car assez peu fréquenté (même en ce jour de vacances scolaires il n'y avait presque personne, ce qui n'était pas le cas dans d'autres sections) - à tort, car les œuvres sont belles et permettent de raconter bien des histoires aux enfants curieux. La cour Marly est à mes yeux un lieu idéal pour initier un enfant aux musées, et rendre moins imposant et intimidant cet immense usine à œuvres qu'est le Louvre.
Autre musée-monstre où le visiteur, adulte comme enfant, risque de se perdre s'il n'a pas un plan, et surtout une idée précise de ce qu'il est venu voir (inutile de dire qu'une visite exhaustive est inenvisageable avec des petits, surtout par temps d'affluence monstre), le Musée d'Orsay n'a pas non plus besoin de séduire de nouveaux publics, plus jeunes ou moins favorisés (un récent reportage de France Culture a permis de n'avoir aucun doute à ce sujet). Comme son voisin de l'autre côté de la Seine, le Musée d'Orsay n'est pas des plus accessibles aux familles : ascenseurs petits et surchargés, qui ne permettent pas d'accéder à tous les espaces, certaines passerelles étant parsemées de marches ; toiles impressionnistes accrochées relativement haut, et souvent assaillies de touristes compacts ; salles du rez-de-chaussée (Gauguin, Van Gogh...) exigües, et donc peu praticables avec un enfant, a fortiori avec une poussette, quand des groupes affluent en masse...
Quant aux livrets conçus pour les enfants, on les trouve au comptoir d'information, où ils ne sont pas disposés en libre accès aux côtés des plans. Il faut donc, comme trop souvent, penser à les demander... On nous en a proposé trois (je ne sais pas combien il en existe, mais j'en ai vu d'autres aux mains d'autres enfants au cours de la visite - évidemment, on ne m'a pas donné le choix et les bacs ne sont pas à la vue du visiteur), et ma fille a fait les yeux doux pour pouvoir les garder tous. Thèmes imposés donc : "Sports de combat" (avec une danseuse), "Héros", et "Princes et princesses" (la grande image représentant... une bergère). J'ai vu qu'il existait aussi "Sales gosses", je vais prendre comme un compliment le fait qu'on ne l'ait pas proposé à ma canaille ! Elle était en tout cas ravie de sa moisson. Très vite, cependant, nous avons été beaucoup moins emballés : il ne s'agissait en fait pas de livrets, mais de posters pliés en huit - pas du tout pratiques à déplier dans une salle noire de monde, un peu comme Le Monde dans le métro aux heures de pointe ! D'un côté, une reproduction format poster, de l'autre, quatre plus petites ; chacune est accompagnée d'un court texte explicatif ; le but est donc de retrouver ces cinq œuvres dans le dédale du musée (un plan vous indique dans quelles salles elles se trouvent, quatre ou cinq différentes à chaque fois), et parfois, pour l'une d'elles, de résoudre une petite énigme (jeu de différence, repérage d'un détail, ou identification de la bonne silhouette d'une sculpture parmi quatre). Bref, peu de ludisme, peu d'interactivité pour l'enfant, et beaucoup de travail pour le parent qui doit gérer le plié-déplié encombrant, chercher les œuvres sur le plan et dans les salles (parfois en vain, comme la bergère qui était... prêtée !), et lire les textes s'il a le courage et si son enfant est réceptif. En ce qui nous concerne, nous avons vite renoncé, surtout parce que nous manquions de l'espace minimum pour une petite pause lecture, explications ou jeu. Mais aussi parce que ces dépliants encombrants, peu ludiques, imposent de parcourir tout le musée, ce qui n'était pas notre intention.
Nous avons tout de même poussé notre aînée à chercher dans la galerie des impressionnistes la danseuse de Degas qui occupait une face de son poster "Sports de combat" - ce qui nous permit de prolonger la thématique Ballerina. Entre peintures et sculptures, plusieurs œuvres de Degas ont ponctué notre parcours dans la galerie des impressionnistes. Nos filles ont joué à imiter les postures des ballerines, notamment de celles en bronze, qu'on trouve dans plusieurs vitrines (ce ne sont d'ailleurs pas les œuvres les mieux mises en valeur : vitrines bien pleines, placées dans des recoins de la galerie ou du salon de l'horloge, où la priorité est donnée à la peinture - si l'on excepte la Petite Danseuse de quatorze ans, que nous devions chercher, et qui est plus visible). La danse nous servit donc de fil rouge, même si elle ne suffit pas à nourrir une visite entière au musée d'Orsay, même avec des enfants. Cela ne nous a pas empêché cependant de nous arrêter devant plusieurs Monet (notre grande, qui a découvert depuis peu les nymphéas, entre dans une phase d'enthousiasme pour l'impressionnisme), Manet, Cézanne, Caillebotte (grand moment d'intérêt technique pour le rabotage de parquet !), et devant d'autres Degas (Les Repasseuses, autre pause "techniques d'antan")...
Mais pour parfaire notre parcours personnel spécial danse, après une pause dans les drôles de canapés du salon de l'horloge, et avant d'aller découvrir d'autres salles d'arts décoratifs, de sculptures et de peinture, nous avons fait un détour par la salle de bal du musée : la gare d'Orsay comprenait en son sein un hôtel de luxe, et c'est la salle des fêtes de cet établissement qui a été conservée, avec ses dorures, ses lustres, ses peintures, et son parquet idéal pour les danseuses en herbe. Les filles s'en sont donné à cœur joie, la grande à grands renforts d'entrechats était ravie de faire tourbillonner sa jupe (ouf, nous en avions choisi une "qui tourne"), tandis que sa cadette parcourait la salle sur un mode plus athlétique. Et même si les touristes viennent jeter un coup d'œil à la salle, s'y retrouver ou s'y prendre en photo, elle offre tout de même un espace vaste et assez dégagé, où les enfants n'apparaissent pas comme une nuisance ou une menace, et où les parents peuvent les laisser se déplacer avec un peu plus de liberté. Une pause bienvenue, avec ou sans arabesques !
Petite Galerie du Musée du Louvre (accès dans l'aile Richelieu, niveau entresol) - accessible aux mêmes horaires et conditions que le Musée : ouvert tous les jours sauf le mardi, de 9h à 17h30 (21h30 les mercredi et vendredi). Tarifs : 15 euros ; gratuit pour les moins de 18 ans (moins de 26 si résident de l'UE). Cafés accessibles autour de l'entrée, sorties temporaires possibles pour déjeuner ou goûter.
Musée d'Orsay : ouvert tous les jours sauf le lundi, de 9h30 à 18h (21h45 le jeudi). Tarifs : 12 euros ; tarif réduit 9 euros (pour tous à partir de 16h30 - 18h le jeudi) ; gratuit pour les moins de 18 ans (moins de 25 si résident de l'UE). Deux cafés à l'intérieur.
Autre musée-monstre où le visiteur, adulte comme enfant, risque de se perdre s'il n'a pas un plan, et surtout une idée précise de ce qu'il est venu voir (inutile de dire qu'une visite exhaustive est inenvisageable avec des petits, surtout par temps d'affluence monstre), le Musée d'Orsay n'a pas non plus besoin de séduire de nouveaux publics, plus jeunes ou moins favorisés (un récent reportage de France Culture a permis de n'avoir aucun doute à ce sujet). Comme son voisin de l'autre côté de la Seine, le Musée d'Orsay n'est pas des plus accessibles aux familles : ascenseurs petits et surchargés, qui ne permettent pas d'accéder à tous les espaces, certaines passerelles étant parsemées de marches ; toiles impressionnistes accrochées relativement haut, et souvent assaillies de touristes compacts ; salles du rez-de-chaussée (Gauguin, Van Gogh...) exigües, et donc peu praticables avec un enfant, a fortiori avec une poussette, quand des groupes affluent en masse...
Quant aux livrets conçus pour les enfants, on les trouve au comptoir d'information, où ils ne sont pas disposés en libre accès aux côtés des plans. Il faut donc, comme trop souvent, penser à les demander... On nous en a proposé trois (je ne sais pas combien il en existe, mais j'en ai vu d'autres aux mains d'autres enfants au cours de la visite - évidemment, on ne m'a pas donné le choix et les bacs ne sont pas à la vue du visiteur), et ma fille a fait les yeux doux pour pouvoir les garder tous. Thèmes imposés donc : "Sports de combat" (avec une danseuse), "Héros", et "Princes et princesses" (la grande image représentant... une bergère). J'ai vu qu'il existait aussi "Sales gosses", je vais prendre comme un compliment le fait qu'on ne l'ait pas proposé à ma canaille ! Elle était en tout cas ravie de sa moisson. Très vite, cependant, nous avons été beaucoup moins emballés : il ne s'agissait en fait pas de livrets, mais de posters pliés en huit - pas du tout pratiques à déplier dans une salle noire de monde, un peu comme Le Monde dans le métro aux heures de pointe ! D'un côté, une reproduction format poster, de l'autre, quatre plus petites ; chacune est accompagnée d'un court texte explicatif ; le but est donc de retrouver ces cinq œuvres dans le dédale du musée (un plan vous indique dans quelles salles elles se trouvent, quatre ou cinq différentes à chaque fois), et parfois, pour l'une d'elles, de résoudre une petite énigme (jeu de différence, repérage d'un détail, ou identification de la bonne silhouette d'une sculpture parmi quatre). Bref, peu de ludisme, peu d'interactivité pour l'enfant, et beaucoup de travail pour le parent qui doit gérer le plié-déplié encombrant, chercher les œuvres sur le plan et dans les salles (parfois en vain, comme la bergère qui était... prêtée !), et lire les textes s'il a le courage et si son enfant est réceptif. En ce qui nous concerne, nous avons vite renoncé, surtout parce que nous manquions de l'espace minimum pour une petite pause lecture, explications ou jeu. Mais aussi parce que ces dépliants encombrants, peu ludiques, imposent de parcourir tout le musée, ce qui n'était pas notre intention.
Musée d'Orsay : ouvert tous les jours sauf le lundi, de 9h30 à 18h (21h45 le jeudi). Tarifs : 12 euros ; tarif réduit 9 euros (pour tous à partir de 16h30 - 18h le jeudi) ; gratuit pour les moins de 18 ans (moins de 25 si résident de l'UE). Deux cafés à l'intérieur.